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Jour 23

22/03/2016, 8h00
24°56’S 11°11’E
En station (prélèvement Rosette/CTD)
Vent 17 nœuds
Température de l’air : 21°C
Température de l’eau : 22°C
Alternance soleil nuages !

Mesures de l’eau de surface, suite

Nous avons vu précédemment l’évolution de la température et de la salinité au cours de notre parcours et nous avons laissé quelques explications en suspens. En voici donc la suite.

Reprenons les jolies figures de Jonathan, où l’on voyait que la température était plus chaude aux latitudes plus proches de l’équateur, ce à quoi nous pouvions nous attendre. Nous avons aussi vu que la salinité a diminué lorsque nous nous dirigions vers le sud, et qu’elle remonte depuis que nous sommes repartis vers le nord. Ceci est lié principalement aux différences d’évaporation et de précipitation. Il y a plus de précipitation dans la partie sud de notre parcours, car, comme nous l’avons déjà vu, nous étions dans la zone des vents d’ouest et des tempêtes porteuses de précipitations. De plus, l’évaporation est plus forte pour des températures plus chaudes, donc au nord de notre parcours.

Bilan : au nord, moins de précipitations, plus d’évaporation, l’eau à la surface de la mer est plus salée.

Lien entre la salinité à la surface de l’océan et les conditions atmosphériques au-dessus de l’océan, schématisé très simplement pour la zone géographique que nous avons parcourue. 

Il y a aussi une autre caractéristique de l’eau qui a été mesurée à bord : le rapport des isotopes 18 et 16 de l’oxygène. C’est ce rapport qui est aussi mesuré dans les coquilles des foraminifères se trouvant dans les carottes de sédiment. Autant dire que ce rapport est très important pour les paléoclimatologues.

Nous n’allons pas beaucoup nous étendre sur les isotopes ici. Nous nous bornerons à dire que l’atome d’oxygène existe sous trois formes. La forme majoritaire est l’isotope 16O (plus de 99% des atomes d’oxygène), mais les isotopes 17O et 18O, comportant plus de neutrons que l’16O, existent également naturellement. L’isotope 18 de l’oxygène, l’18O, qui nous intéresse ici, est plus lourd que la forme majoritaire 16O. Lors de l’évaporation de l’eau, c’est l’isotope léger qui est favorisé et la vapeur se trouve appauvrie en 18O alors que l’eau liquide restante est enrichie en 18O. Lors de sa condensation, l’eau liquide s’enrichit en isotope lourd et la vapeur restante s'enrichit en isotope léger.

Voici les mesures préliminaires effectuées par Jonathan. Sur la figure ci-dessous le rapport 18O est grand lorsque l’eau contient plus d’isotope 18 de l’oxygène de l’eau, et petit lorsque l’eau contient plus d’isotope 16 de l’oxygène.

Que constate-t-on ? Du nord au sud, l’eau mesurée est de plus en plus pauvre en 18O. Il y a plusieurs raisons à cela.

Variations de la teneur isotopique de l’eau (H2O) en oxygène 18 (cercle bleu foncé « 18 ») et 16 (cercle bleu ciel « 16 »). Les proportions en 18O sont exagérées pour une meilleure lisibilité. 

  1. Nous avons vu que l’évaporation est plus importante au nord de notre parcours. Comme cette évaporation favorise les isotopes légers, l’eau à la surface de l’océan est plus riche en 18O au nord qu’au sud.
  2. Au fur et à mesure qu’on se déplace vers le pôle, la vapeur d’eau provenant des tropiques condense, formant nuages et précipitations. La vapeur s’appauvrit de plus en plus en 18O, et même si la précipitation est plus riche en 18O que la vapeur d’eau, celle-ci s’appauvrit également sur la route des pôles. Résultat : sur la partie sud de notre parcours, les pluies apportent une eau appauvrie en 18O par rapport aux eaux de surface sur le nord de notre parcours.
  3. Enfin, la zone sud peut aussi être sous l’influence de la fonte des icebergs, provenant de l’Antarctique, donc la glace est très appauvrie en 18O. Une raison de plus pouvant expliquer les variations en 18O mesurées à bord !

On voit donc que le rapport 18O/16O est très sensible au climat : si l’évaporation change, si les zones de front se déplacent, si davantage d’icebergs fondent, le rapport 18O/16O est modifié. Ce signal est justement enregistré par les foraminifères, dont la calcite se forme à partir d’oxygène présent dans l’eau de mer. Lorsque nous aurons mesuré 18O et 16O dans les sédiments prélevés au cours de la mission, nous en saurons beaucoup plus sur les changements climatiques dans l’océan Atlantique Sud et dans l’Océan Austral.

 Nous n’avions que peu de données d’18O de l’eau de surface dans les zones traversées par notre mission océanographique. Les nouvelles données obtenues seront donc très utiles !

Observations en 18O de l’eau de surface existant en 2006

Source : http://data.giss.nasa.gov/o18data/, LeGrande, A.N., and G.A. Schmidt, 2006: Global gridded data set of the oxygen isotopic composition in seawater. Geophys. Res. Lett., 33, L12604
Pour plus de renseignements: http://data.giss.nasa.gov/o18data/ (en anglais)

Et voilà, vous l’aurez deviné, Masa, nous a à nouveau aidé.

Hier un moment important de la campagne a eu lieu : la séance d’expédition du courrier à bord. Des enveloppes, et des timbres, uniques, ont été préparés, multi cachetés, avant dépôt à la poste du port visité.

Finalement, afin de remercier tous les gens qui ont contribué à faire de cette campagne un succès les couleurs des nationalités présentes ont été hissées. Un barbecue a tenu lieu de dîner, sur le pont arrière !

Nous ferons une dernière contribution demain, nous vous demanderons également de compléter un petit sondage, pour mieux vous connaître, et pour mieux faire la prochaine fois !

A bientôt !

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